Fécule ou Amidon ?

Le bouillon bouillait, les soles rissolaient et le fouet fouettait la pâte à gâteau.
Mais soudain, ce fut le drame.
Martine avait besoin d’amidon de pomme de terre pour sa recette et son placard ne renfermait que de la fécule de patate.

   Différence de langage

Fécule et amidon désigne exactement le même produit chimiquement parlant, c’est-à-dire de l’amidon.
Ce n’est qu’une distinction de langage.

Tandis que pour les céréales (blé, riz, maïs), nous parlerons d’amidon de maïs, d’amidon de froment, etc…
L’amidon des tubercules et certaines racines, se verra attribuer le nom de fécule :
fécule de pomme de terre, fécule de manioc, igname . . .
Grosso modo, l’amidon obtenu de parties aériennes s’appellera amidon
et celui obtenu de parties souterraine sera nommé fécule.
Petite exception toutefois pour l’amidon de riz souvent dénommé « crème de riz », de par la texture qu’il offre une fois cuit.

Quant à la Maïzena, ce n’est qu’un nom commercial attribué à l’amidon de maïs.

   Amidon modifié

Pour Martine, le casse-tête s’arrête là. Mais dans l’industrie agroalimentaire, l’histoire continue un peu plus loin.

La fécule issue de la pomme de terre sans transformation sera appelée fécule,
mais si elle subi un traitement, physique ou chimique, alors il ne parlera pas de fécule modifiée mais bien d’amidon modifié de pomme de terre.

A ce propos, Martine est souvent horrifiée d’entendre le mot « modifié » concernant les aliments.
Elle associe ce mot aux OGM qu’elle déteste… Or ce n’est pas du tout le cas.

L’amidon modifié peut l’être de plusieurs façons, soit physiquement, en lui appliquant un traitement thermique ou de fortes pressions,
soit chimiquement par réticulation ou substitution.
Qu’est-ce que ça veut dire ce charabia ?

Sans entrer dans des détails techniques,
appliquer un traitement physique peut permettre à l’amidon de cuire et donc épaissir le produit à plus basse température,
ceci évite le dessèchement du produit ou sa dénaturation.
Ou pour le cuisinier pressé, il s’agit de ces épaississants instantanés pour sauces.

La réticulation va permettre de créer des liens entre les différentes molécules d’amidon et là,
le rendre plus résistant aux hautes températures ou au cisaillement (des tensions qui cassent le réseau d’amidon lorsqu’on mélange fortement).
Enfin, des substitutions permettent à l’amidon de ne pas cristalliser trop vite une fois le produit refroidi
et évite ainsi au gâteau de rassir trop vite,
au yaourt de perdre son eau
et au produit surgelé de mieux réagir aux cycles congélation/décongélation.

(L’amidon de patate modifié ne doit pas vous effrayer.
En effet, la patate modifiée ayant subie un traitement thermique à très hautes températures s’appelle la Frite ! Belge, s’il vous plait !)

   Différents amidons

Après ce bain de connaissances, Martine revint dans sa cuisine, ouvrit son placard et chopa la boîte de fécule de pomme de terre, légère, légère… trop légère.
Elle était vide.
Ce fut le drame. Martine n’avait que de l’amidon de maïs en stock.
Pouvait-elle le substituer à la fécule ? Elle chercha sa réponse sur CurieuseCuisine évidemment !

L’amidon ressemble à de petits grains au microscope. Selon l’espèce végétale duquel il est issu, ces grains ont des tailles différentes.
Ceux de la patate sont très gros, ceux du blé moyens et hétérogènes, ceux du maïs petits et ceux du riz très petits.
Grains d'amidons de différentes espèces végétales observés au microscope
Grains d’amidons de différentes espèces végétales observés au microscope

En plus d’avoir des tailles différentes, ils ont aussi des compositions différentes.
Le grain d’amidon est constitué de deux molécules différentes.
L’amylose, une longue chaîne linéaire de glucoses (de sucre quoi),
et l’amylopectine qui est une chaîne très ramifiée (pleins de chaînes sont soudées les unes aux autres).
La proportion de ces deux molécules différent dans le grain.
Le maïs a davantage d’amylose (28%) que la patate (20%).
Structure de l'amylopectine
Structure de l’amylopectine

Ces différences vont se remarquer dans le comportement de l’amidon à la cuisson mais aussi à son refroidissement.
Les températures de cuisson (gélatinisation) de l’amidon seront différentes, allant de 55°C jusqu’à 85°C en gros.
Lors du refroidissement, les chaînes linéaires d’amylose vont avoir plus de faciliter à bouger, se réorganiser que les gros paquets emmêlés d’amylopectine.
Ces différentes chaines vont former un réseau et expulser des molécules d’eau de celui-ci (= phénomène de rétrogradation de l’amidon).
C’est ce qui provoque le rassissement du pain et des gâteaux.
Un gâteau à l’amidon de maïs rassira plus vite que le même avec de la fécule de patate.
La texture sera aussi légèrement plus compacte.

   Farine et amidons

Le gâteau de Martine serait vite mangé, il n’aurait pas le temps de rassir.
Aussi Martine décida-t-elle d’utiliser l’amidon de maïs.
Toutefois, comme elle avait lu que la texture serait un peu plus compacte
et comme elle a toujours entendu que les fécules ou amidons rendent les gâteaux « plus légers »,
elle décida de n’utiliser que de l’amidon de maïs et pas de farine.
Et ce fut le drame. Le gâteau ne se tint pas.

En effet, l’amidon ou fécule ne contient, comme son nom l’indique, « que » de l’amidon.
A contrario, la farine de blé contient des protéines, comme le gluten,
qui sont des petits élastiques qui vont former la structure squelettique du gâteau et l’empêcher qu’il ne s’effrite trop facilement.
Sans ces protéines, il y aura beaucoup de miettes…
Il est plutôt conseillé dans un gâteau d’utiliser la fécule/farine dans une proportion 50/50 maximum.

   En bref
Amidon et fécule désignent tout deux la même chose.
Amidon est utilisé pour les amidons de céréales
et fécule pour ceux de tubercules, rhizomes…


L’amidon est un grain qui a différentes tailles selon l’espèce végétale duquel il est extrait
et différentes composition en amylose (chaine droite) et amylopectine (chaine ramifiée).
Selon leur structure et composition, ils engendrent des textures et possèdent des températures de cuisson différentes.

L’amidon peut être modifié par des traitements physiques ou chimiques pour lui donner des propriétés intéressantes.

Pour rendre un gâteau plus léger tout en évitant qu’il ne s’effrite, utiliser un mélange 50/50 de fécule/farine.

※curieusecuisine.wordpress.com/2016/02/11/fecule-ou-amidon/